Le Monde | 26.05.2025
C’est un paradoxe étonnant : l’Allemagne, qui subit une importante pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs et un vieillissement rapide de sa population, laisse de plus en plus de jeunes sans qualification sur le marché. Selon le dernier rapport annuel sur la formation professionnelle, 2,86 millions de jeunes de moins de 35 ans sont actuellement sans formation professionnelle reconnue. Un chiffre en forte hausse depuis une décennie, qui soulève un déficit structurel : contrairement à sa réputation, le pays ne parvient plus à intégrer aussi facilement les jeunes sur son marché du travail.
Pourtant, ce système s’essouffle. Depuis 2015, le nombre de jeunes âgés de 20 à 34 ans sans formation professionnelle ni diplôme est passé de 1,9 million à près de 2,9 millions en 2024, soit 19 % d’une classe d’âge. Un million de ces jeunes n’étaient ni en emploi ni en formation. Et 1,9 million occupaient un emploi, en général limité à des activités précaires et à des tâches subalternes, avec un risque élevé de chômage et de pauvreté. Côté entreprises, 14 % des places d’apprentissage restaient non pourvues, en particulier dans les secteurs du bâtiment, de l’hôtellerie-restauration, ou de la santé.
Le phénomène, considéré comme très préoccupant par les autorités, a plusieurs causes. L’une d’elles, relevée par un rapport de l’agence pour l’emploi de mars 2025, est liée aux difficultés du système allemand à intégrer efficacement les jeunes d’origine étrangère, arrivés nombreux depuis 2015. La formation en langue est insuffisante. « Une des faiblesses du système scolaire est que l’éducation dépend fortement du niveau de formation des parents. Cela a des conséquences négatives pour de nombreux jeunes issus de l’immigration », déplore le rapport.
La confédération reconnaît aussi une faiblesse de l’apprentissage : l’inadéquation grandissante entre les attentes des jeunes, quelle que soit leur origine, et les formations proposées. En témoigne le taux de rupture de contrats de formation, qui s’est élevé à 29,5 % en 2022, contre moins de 10 % en 2005. Les formations, parfois physiques, à l’extérieur, avec des horaires décalés, ou trop faiblement rémunérés, ne sont pas toujours attractives pour les jeunes, nombreux à abandonner avant la fin.